Montée du Poupet - Salins les Bains - 23/05/2010

Au terme d'un règlement de comptes entre Africains, le Burundais Willy Nduwimana s'est offert la 26e édition du Poupet en à peine moins d'une heure (59'57)

Un sourire d'ange jusqu'aux oreilles mais Willy Nduwimana ne fait pas dans les sentiments. Le Burundais a remporté hier la 26e édition du Poupet en écœurant ses trois compatriotes. Son record récent sur 10km impressionnait (28'46 à Roanne) et on l'a vite vu prendre les commandes de la course pour une échappée belle.

Une victoire qui n'a souffert d'aucune contestation tant Willy (pour faire plus court) a maîtrisé son sujet. Un départ en trombes en compagnie de ses compatriotes, une accélération dans la montée vers Saint-Thiébaud pour écrémer et une folle descente vers Ivrey pour prendre le large… Dans l'ambiance du village, au son des bandas, il comptait déjà 50 secondes d'avance sur ses poursuivants. Manirakiza, qui lui collait au train jusqu'alors, avait explosé en vol, pris de vomissements.

Autant dire que le lauréat a presque plus souffert pendant l'interview qu'au cours des 17,5 km qui ont précédé. Balbutiant quelques mots de français, trois mots d'anglais, le jeune homme de 23 ans eut à peine le temps de nous dire qu'il était « très content », que c'était « très dur », qu'il faisait « chaud », que le record était « trop dur à chercher » dès les premiers kilomètres, et qu'il a eu « un peu de mal dans les derniers kilomètres ». Ce dont on ne s'était pas franchement rendu compte.

Tous sous la bannière de l'As Rispoli Villeurbanne, ses compatriotes, notamment l'ancien vainqueur Egidé Manirakiza, étaient un peu plus diserts.

Richard Musahiri, coiffé par Audace Baguma dans la côte Guillaume, semblait ne pas s'être renseigné sur le Poupet avant de venir (« Trop de montées » pestait-il), avant de rendre hommage au vainqueur du jour : «Willy était trop fort, impossible d'aller le chercher ». L'ancien vainqueur Egidé Manirakiza, le dernier à être descendu sour la barre de l'heure de course (2006), revenait sur son coup d'arrêt. « J'ai eu un problème de vomissements, j'ai même dû m'arrêter. Après, j'ai eu des difficultés à remonter. Je suis déçu car je voulais la deuxième place ». A vrai dire, le quatuor avait même une idée derrière la caboche : battre le mythique record de Paripovic (58'35). le revêtement fraîchement refait de la côte Guillaume n'aura rien changé. « On a attaqué la première montée beaucoup trop vite », regrette celui qui, au final, prenait la 5e place.
El Madi mort de faim

Car, au cœur de ce règlement de comptes à Burundi-les-Bains, un intrus s'était glissé.

El Yazid El Madi, ancien vainqueur, s'est comporté en grand champion. Son absence avait déçu l'an dernier. Cette fois, le Marocain a fait parler le courage.

Mort de faim, il a pisté les Burundais tout au long de la course, réussissant à avoir la peau de Manirakiza. « Lui a explosé, vraiment explosé. Après j'ai tenté de rester au contact des deux autres, le premier étant loin. » Le Marocain faisait l'accordéon. Le terrain perdu en descente, il le rattrapait dans les montées, pour toujours rester dans leur rétroviseur. Ce qu'ils ont bien compris. Pour ne pas se faire chiper un podium par El Madi, ils plaçaient une mine dans la longue descente après le Gour de Conche. « Si je suis avec eux au pied de la dernière montée, je finis 2e. Ils l'ont senti et pffff, ils sont partis…» rigolait le Marocain, qui n'aura échoué qu'à 5 petites secondes du podium.

Après les quatre Burundais et El Madi, le peloton s'est lentement étiré. Sous le soleil écrasant, il restait à distribuer les places d'honneur entre Samir Baala, Ludovic Pelle, Dimitry Chatkin, Stéphane Choulet, Régis Roux…

Avec un meilleur finish qu'un Samir Baala (7e) au bout du rouleau (« J'ai dû marcher deux ou trois fois et j'avais les oreilles qui sifflaient », dira-t-il), ce dernier s'adjugeait une belle sixième place sur la classique jurassienne. Inespéré car l'athlète sortait tout juste d'une contracture survenue en pleine séance spécifique pour le Poupet. « Du coup, j'ai manqué d'entraînement mais pas de fraîcheur ! J'ai fait pas mal de vélo et j'étais bien dans les montées.» Stéphane Choulet, tout sourire, chipait la place de meilleur Jurassien (voir ci-dessous). Et la longue procession de ceux qui ont dompté ce Poupet d'exception (1124 participants) se poursuivait sous l'arche d'arrivée, entre sourires, mains serrées, rictus de fatigue et anecdotes… Un vrai paradis pour coureurs.

À ce rythme-là, Stéphane Choulet est assuré de gagner le Poupet dans deux ans !

Venu à la course à pied en 2008 et fan de l'épreuve salinoise depuis ses débuts, le Champagnolais améliore ses chronos de façon impressionnante à chaque participation : 24e en 1h12 il y a deux ans, 16e en 1h07 lors de l'édition 2009, il a bouclé les 17,5 km en 1h05 hier, crédité qui plus est de la meilleure performance des athlètes régionaux.

« Je visais le top 15 et la place de premier Jurassien. Avec cette 9e place, je suis donc très content de moi d'autant que j'ai couru avec une tendinite. J'ai fait une grosse partie de la course avec Dimitry Chatkin qui m'a lâché dans la côte Guillaume. Mais j'étais à bloc et j'ai vraiment pris beaucoup de plaisir : la chaleur, j'adore ça ! »

Derrière lui, Jean-Paul Bourgeois signait lui aussi l'une de ses meilleures performances sur le Poupet (12e). « Je n'ai pas pu accrocher le groupe de Stéphane Choulet et j'ai passé beaucoup de temps seul, racontait l'expérimenté sociétaire de l'EJCA. À l'arrivée, c'est conforme au chrono que j'espérais (1h07) même si j'ai senti dans la montée finale que je n'avais pas totalement récupéré du Trail des Forts il y a quinze jours. Mais les places étaient déjà acquises... »

Jany Leseur lui était en phase de découverte à Salins pour sa première participation. « Je m'entraîne davantage cette année mais je n'avais jamais dépassé les 10 km sur route, rappelait le Dolois. J'avais fait une petite préparation avec quelques entraînements en côte mais je m'aperçois finalement que ce sont les descentes qui me posent le plus de problème musculairement, c'est terrible ! »

Même constat chez Yannick Rannou, un novice d'un genre un peu particulier. « J'ai gagné deux fois le Tour du Poupet cycliste (2002 et 2005) et à l'époque j'ai souvent rêvé de mettre pied à terre... C'est finalement aussi dur à pied qu'en vélo parce que le parcours est sensiblement le même à l'exception du départ. Mais là, j'attendais les bosses pour rattraper le temps que je perdais dans les descentes. »

(source : Le Progrès / Stéphane Cléau)